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7 avril 2013 7 07 /04 /avril /2013 19:17

 

 

Critique : Effets secondaires de Steven Soderbergh

 

 

Une intrigue hitchcockienne pour le dernier film de Steven Soderbergh, toujours en pleine forme. Un final élégant, servi par d'excellents acteurs.

 

 

Il l'avait annoncé lui-même, officiellement : Steven Soderbergh ne réalisera plus de films pour le grand écran après Effets secondaires (il lui reste cependant Behind the Cadelabra à présenter sur la chaîne HBO). De quoi nous rappeler que ce réalisateur caméléon et à l'imagination foisonnante a mis en scène vingt quatre long-métrages (et en une période incroyablement courte). Même si sa carrière a connu quelques bas (non non, je ne citerais pas Ocean's Twelve), il faut reconnaître que ce petit génie aura fasciner les cinéphiles, de Sexe, mensonges et vidéos à Contagion. Pour ce dernier tour de piste dans les salles obscures, on peut tout d'abord s'étonner de l'aspect quasi minimaliste de son nouveau crû. Si quelques références subtiles sont faites à sa filmographie, Soderbergh évite le film testamentaire (de toute façon, depuis Gran Torino, on ne fait pas mieux dans le genre) pour livrer un final discret, mais malin et jouissif.

 

 

Emily (Rooney Mara) voit son mari trader (Channing Tatum) sortir de prison après quatre ans d'attente. Mais leur couple bat de l'aile, et Emily tombe en dépression. Elle consulte alors le Dr. Banks (Jude Law) qui lui prescrit un nouvel antidépresseur : l'Ablixa. Mais un soir, durant une crise de somnambulisme, elle tue son mari. Acte conscient ou effet secondaire du médicament ? Rien n'est moins sûr. Comme beaucoup d'autres, je vous déconseille de lire cette critique si vous n'avez pas vu le film, car je risque de dévoiler certains éléments de l'intrigue. Intrigue tordue par ailleurs, constituée de moult fausses pistes et manipulations. Écrite par Scott Z. Burns (déjà scénariste de The Informant! et de Contagion), ce dernier s'amuse à brouiller les pistes entre simulation et véritable folie, entre fiction et réalité (certains médicaments cités existent, d'autres pas), entre drame moderne et thriller hitchcockien. En effet, les références au maître sont nombreuses. Au lieu d'une construction non-chronologique comme utilise une majorité des films à complot récents, Soderbergh privilégie une narration linéaire (il n'y a qu'un flash-back vers la fin, comme le faisait Hitchcock). Les femmes sont également manipulatrices, cliché sympathiquement réemployé par le réalisateur. Il s'inspire du meilleur du passé pour son film, rappelant une réplique du Dr. Banks : « Pour imaginer le futur, replongez dans le passé. »

 

 

Si le début du film insiste sur la critique intelligente de la médecine (plus précisément la confiance aveugle des Américains envers les traitements), Soderbergh la délaisse quelque peu par la suite pour appuyer son intrigue, fascinante de bout en bout. Le cinéaste joue avec son spectateur. Il lui laisse quelques indices, telles des images subliminales, qui alerteront par la suite (comme ce plan incroyable où la moitié du visage d'Emily se retrouve déformée dans le reflet d'un miroir). Mais c'est surtout par sa mise en scène que le réalisateur impressionne. De la façon intimiste et parfois inquiétante de filmer l'appartement et le cabinet de Jude Law (avec plein de petites lampes, rappelant le travail de David Fincher sur l'habitat de Brad Pitt dans Seven) à sa vision froide de New-York, Soderbergh prouve qu'il sait travailler ses plans et ses décors. Il ressort de la Grosse Pomme les formes géométriques, créant de nombreux cadres dans le cadre. La comparaison avec l'asile psychiatrique semble évidente, et la sensation d'emprisonnement des personnages atteint le spectateur. Cependant le cinéaste n'en oublie pas l'essentiel d'un film psychologique : les gros plans, qu'il utilise au bon moment pour sublimer ses acteurs, tout en contrastant le net et le flou.

 

 

Steven Soderbergh est un grand directeur d'acteurs. De la saga des Ocean's à Contagion, il a toujours su réunir les castings les plus fous. Cette fois-ci, il choisit des acteurs avec lesquels il a déjà travaillé (Channing Tatum et Catherine Zeta-Jones) pour faire un lien avec le reste de sa filmographie, mais ne les cantonne qu'à des seconds rôles. Jude Law est bien sûr l'exception. Parfait dans son personnage de psychologue dépassé, le beau mec en costard tout droit sorti de ses pubs Dior (ce n'est pas une critique) sert avant tout (il faut se l'avouer) de tête d'affiche pour assurer un certain nombre d'entrées. Car le cinéaste a complètement craqué pour la nouvelle perle d'Hollywood : Rooney Mara. Révélée par David Fincher dans The Social Network mais surtout par le rôle de Lisbeth Salander dans Millénium, cette beauté insaisissable à la profondeur incroyable est sublimée par la caméra de Soderbergh, qui la filme avec autant de passion que le réalisateur de Fight Club.

 

 

Malgré quelques imperfections de scénario (il y a quelques incohérences), la sensation d'inachevé que l'on peut ressentir à la sortie de la salle n'est qu'une apparence. Car tout le film repose sur les apparences. Même si le Dr. Banks gagne à la fin, le happy-end est en définitive plutôt pessimiste, puisque les illusions et le mensonge prennent le dessus. Soderbergh termine son film par une critique assez amère des lobbys et des laboratoires pharmaceutiques. Cependant, il n'a pas oublié l'essentiel de sa filmographie : s'amuser. Grâce à ce petit jeu sadique avec le spectateur et cette force créatrice, on peut vraiment s'étonner du départ du cinéaste, qui l'avait justifié en disant qu'il ne pensait plus avancer avec le cinéma. Quoi qu'il en soit, son départ en catimini n'oublie pas d'être réussi ; et même si le spectateur n'en aura pas forcément l'impression, il aura assisté à un bien bel adieu.

 

 

2013

États-Unis (1h46)

Avec Jude Law, Rooney Mara, Catherine Zeta-Jones, Channing Tatum...

Scénario : Scott Z. Burns

Distributeur : ARP Sélection

 

Note : 16/20

 

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