Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
15 avril 2013 1 15 /04 /avril /2013 23:24

 

Critique : Tron l'héritage de Joseph Kosinski

 

 

 

Pour la sortie de son nouveau film, Oblivion, revenons sur le précédent long-métrage de Jospeh Kosinski, qui n'est autre que la suite du cultissime Tron.

 

 

Une salle obscure décorée de bornes d'arcade sous bâches, de la musique des années 80 prisonnière des murs, et une façade dont les néons semi-éteints forment le mot FLYNN'S. Nous voilà replongés dans le monde de Tron, film culte pour les geeks du monde entier. Novateur et complexe, de par sa technique mais aussi de par son scénario, le film est une sorte d'Alice au pays des merveilles dans le monde de l'informatique, à une époque où celle-ci commençait seulement à se populariser. Après trente ans d'attente de la part de Disney, les papas de Mickey ont enfin décidé de sortir une suite, dans laquelle le fils de Kevin Flynn (le héros du premier épisode) retrouve son père disparu dans l'univers numérique qu'il a créé. A cause de son univers riche, cet « héritage » ne pouvait pas être offert à n'importe qui. Et pourtant, personne n'aurait parié sur Joseph Kosinski, ancien publicitaire spécialisé dans l'infographie, pour réaliser ce nouveau volet !

 

 

Il faut croire que si le bonhomme n'a jamais fait de blockbusters, il en a compris les mécaniques. Ambitieux, il se permet même de défier Avatar (sorti quelques mois plus tôt) sur le terrain de la performance capture et de la CGI qui te déchire la rétine ! S'il se plante sur le premier (CLU, le double de pixels de Kevin Flynn, a des expressions aussi profondes que celles de Tom Hanks dans Le Pôle Express), il faut avouer que replonger dans la Grille (le monde numérique créé par ce même Flynn) donne un sacré coup de vieux à l'original. Les décors sont magnifiques et prouvent la qualité de designer du réalisateur. Alors qu'au début du film, les faisceaux de lumière servent à illuminer une époque révolu (et ainsi offrir un instant « Madeleine de Proust » aux nostalgiques des eighties), les couleurs flashy du monde de Flynn reflètent l'époque actuelle. Les lignes se courbent. Tout semble lisse et reflète quelque chose.


 

Si le cinéaste promulgue l'éloge de la technologie, il n'oublie jamais le contraste avec le passé. Ainsi, l'appartement de Flynn, qui a bien vieilli entre temps, mélange les formes et matières lisses modernes à un mobilier baroque. C'est dans ses moments que Tron l'héritage montre tout le talent de son réalisateur concernant la mise en scène. Les plans jouent sur la symétrie de la Grille, monde utopiste régi par un programme qui ne désire que la perfection. Les concepteurs (comme ils les appellent) fuient comme ils peuvent dans les cadres dantesques de Kosinski qui n'oublie pas de s'attarder sur ses décors. Mais dans cet univers où l'on ne voit jamais le jour, et où l'orage gronde continuellement, il y a finalement des liens avec le « vrai » monde. Les effets de net et flou renforcent les imperfections de la Grille, avant que le réalisateur n'introduise le personnage de Quorra (Olivia Wilde), la dernière des ISO (des êtres constitués d'algorithmes mais nés dans la Grille comme des êtres vivants), peuple considéré impur par le méchant de service et donc exterminé (le lien avec la Shoa est assez explicite).

 

 

Cependant, ces quelques éléments ne sont que la face caché de Tron l'héritage, qui déçoit sur la majeure partie de son scénario. Certes, un jeu vidéo se répète obligatoirement à cause de son gameplay (façon de jouer pour faire simple), mais était-il nécessaire que Sam Flynn connaisse pratiquement au détail prêt les même aventures que celles son père ? De plus, les scènes d'action étaient-elles forcées de souvent tomber comme un cheveu sur la soupe ? En privilégiant l'éloge du jeu vidéo, Kosinski en amène les mécaniques qui ne fonctionnent pas dans un film. Alors oui, c'est sympa d'avoir des combats (superbement chorégraphiés d'ailleurs) rappelant les classiques deathmatchs des jeux en ligne ou encore une séquence gratuite basé sur les shoot'em up, mais cela ne fait strictement pas avancer le scénario, qui a pourtant tellement à dire !

 

 

Si, dans les quelques lignes qui ont précédé, vous aviez l'impression que je m'exprimais dans un vieux dialecte sud-asiatique, c'est que avez décelé l'autre principal défaut de Tron l'héritage : sa froideur, aussi bien dans son univers qu'envers le spectateur. Le courage de Joseph Kosinski et de Disney à créer un film non familial était honorable. Malheureusement, et bien que le film ait cartonné au box-office, il n'est véritablement destiné qu'à un public connaisseur, et laissera tous les autres indifférents. En ce qui concerne les personnages, si on peut justifier le manque d'histoire et d'émotions de certains par le fait que ce sont des programmes informatiques, la relation entre Sam et Kevin et juste abominable. Là où l'héritage du titre prenait tout son sens, le réalisateur l'illustre par des dialogues insipides. Et même si on ne se lasse pas de la présence de Jeff Bridges à l'écran (qui semble aussi déboussolé que son personnage), Garrett Hedlund exaspère par moments dans son rôle de teenager en quête d'identité depuis la disparition de son père.


 

Finalement, Joseph Kosinski est à l'image de Kevin Flynn. En voulant aller toujours plus loin et en délaissant l'humain pour le virtuel, il a perdu le contrôle de sa création. Cet avertissement sur les dangers de la science contraste d'ailleurs quelque peu avec la vitrine technologique qu'il nous ait donné de voir. Et après tant de noirceur et de froideur assistée par la mise en scène ingénieuse du réalisateur (son utilisation du numérique particulièrement), ce dernier n'oublie pas le bon vieux monde réel pour un happy-end sur fond de lever de soleil (mais on retiendra tout de même que le film est bien plus sombre qu'une habituelle production Disney). Que l'on aime ou pas Tron l'héritage, une question demeure à la fin : Peut-on faire un bon film en ne faisant que repousser les limites de la technologie, bien que cela paraisse pertinent ? A vous de voir. Néanmoins, il faut tout de même reconnaître le travail d'orfèvre sur le plan visuel mais aussi sonore de Kosinski. Les bruitages aident à l'aspect enchanteur et la bande originale des Daft Punk (l'une des plus grandes de la décennie), mélange parfait d'électro et d'orchestre symphonique offrant des thèmes majestueux, justifie à elle seule le visionnage. Alors, prêts à entrer dans la Grille ?

 

2010

États-Unis (2h06)

Avec Jeff Bridges, Garrett Hedlund, Olivia Wilde, Bruce Boxleitner...

Scénario : Adam Horowitz, Richard Jefferies, Edward Kitsis, Michael Arndt. D'après les personnages de Steven Lisberger et Bonnie MacBird.

Distributeur : Walt Disney Studios Motion Pictures France

 

Note : 13/20

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : placedespalabres
  • : Un groupe d'amis décide de créer un blog afin de partager leur passion commune, l'art! Cela passe par le cinéma (Malfaquy), la poésie (Rekka), la philosophie (Lili et Mouton) et le dessin (Rekka). Et surtout cette envie de partager!
  • Contact

Recherche

Archives

Articles Récents

  • Blizzard.
    Pourquoi un début ? Pourquoi une fin ? Parce qu’un début ne reviendrait qu’à un nouveau renouvellement. Un nouveau commencement. Pourquoi il faut toujours qu’il y est une fin ? Qu’un n’ai plus confiance et fasse souffrir l’autre. Pourquoi ? Il faudrait...
  • La fin.
    Je m'accroche. Je m'accroche certainement à du vide. Sûrement à ce trou noir que l'on appelle néant. Je ne peux m'empêcher à m'accrocher, à continuer. Si ce n'est "de m'accrocher". Saloperie de grammaire à deux balles. Je sais pourtant, qu'au bout il...
  • Ressentir.
    Autant m'abattre. Je ne comprend pas. Suis-je encore là ? J'ai l'air. Ça a foiré. On ne m'a donc pas abattue. Je le suis, pourtant. Il ne reste plus grand chose. Ne cherche pas, tu ne trouveras que du désarroi. Et encore, s'il y en a... Si je suis encore...
  • Fuir.
    Je veux fuir. Fuir ce monde. Fuir votre monde. Votre monde de cruauté et d'hypocrisie. Ce monde où je ne vois que de la haine et de la colère. La connerie humaine. Je veux fuir si loin, pour que ce monde ne soit jamais le mien. Je veux me battre pour...
  • Le plus difficile
    Et la chose la plus difficile a été de te laisser partir. Je ne m'étais jamais imaginé que je doive le faire.. C'était vraiment le plus difficile. Et la chose la plus étrange était d'attendre que ça arrive, car au fond de nous on se doutait que ça arriverait…...
  • Petites infos
    Petites infos ! Ça fait un moment qu'on ne publie plus beaucoup, on est plus actifs sur la page facebook. Donc on vous invite à nous rejoindre (si ce n'est pas déjà fait) pour plus de nos articles ! Autre chose : Amy se transforme (elle fait comme les...
  • C'est le moment...
    Donc c'est ce que tu pensais ? Ce que tu pensais depuis le début ? Que je n'aurais jamais ma place ici ? Maintenant il est temps pour moi de tout recommencer du début à la fin... Je sais que tu ne me retiendras pas. Je n'ai jamais voulu laisser tomber....
  • NCC-1701
    Un quelconque officier de la passerelle pressa un bouton de sécurité et poussa une manette finale, ce que eut pour effet de faire vibrer la coque et de faire vrombir les réacteurs, illuminés d'un scintillement bleuté. Le capitaine donna alors un ordre...
  • Critiques : Kick-Ass 2 et Percy Jackson : la mer des monstres
    http://www.watz-up.fr/critique-kick-ass-2-7584/ http://www.watz-up.fr/critique-percy-jackson-la-mer-des-monstres-7630/ Bonne lecture et bon ciné !
  • Critiques du Malfaquy : Elysium et Lone Ranger
    http://www.watz-up.fr/critique-elysium-7248/ http://www.watz-up.fr/critique-lone-ranger-naissance-dun-heros-7418/ Bonne lecture et bon ciné !

Pages